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Histoire de la Chapelle expiatoire

Façade vestibule Chapelle expiatoire

Découvrez l’histoire de la Chapelle expiatoire, chef-d’œuvre de l’architecture néoclassique construit à l'emplacement où furent inhumés Louis XVI et Marie-Antoinette en 1793.

Présentation

La Chapelle expiatoire s’élève à l’emplacement de l’ancien cimetière de la Madeleine. Sous la Révolution, ce lieu accueille les dépouilles de Louis XVI, de Marie-Antoinette ainsi que les corps d'environ 500 guillotinés de la place de la Révolution (actuelle Concorde). Sous la Restauration, Louis XVIII ordonne à son architecte, Pierre Fontaine, la construction d'une chapelle mémorielle. Commencés en 1816, les travaux sont achevés en 1826.  Dans la nef, les visiteurs sont accueillis par les deux groupes sculptés des souverains : « L’apothéose de Louis XVI » par Bosio et « Marie-Antoinette soutenue par la Religion » par Cortot. Dans la Chapelle basse, la présence des ossements de l’ancien cimetière fait de la Chapelle expiatoire une nécropole de la Révolution. 

Le cimetière de la Madeleine, un cimetière sous la Révolution

Le cimetière paroissial de la Madeleine, situé rue d'Anjou-Saint-Honoré, ouvre en 1722. Il répond aux besoins nés de l'accroissement de la population et du développement du quartier à partir de la période de la Régence (1715-1723).

En 1770, lors des festivités données pour le mariage du futur Louis XVI et de l’archiduchesse Marie-Antoinette sur la place Louis XV (actuelle place de la Concorde), une violente bousculade fait plusieurs centaines de victimes. À la suite de ce fait divers macabre connu comme la « grande presse », 133 corps sont exposés puis inhumés au cimetière de la Madeleine.

À partir d'octobre 1792, le cimetière de la Madeleine accueille les corps des guillotinés de la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) où est dressée la guillotine pour les exécutions politiques. On estime à environ 500 le nombre de corps ensevelis, parmi lesquels plusieurs personnalités comme Olympe de Gouges, Manon Roland, Madame du Barry, Charlotte Corday, Philippe Égalité, les 21 députés Girondins proscrits...

 

cimetière de la Madeleine

© Musée Carnavalet - Histoire de Paris

 

Le 21 janvier 1793, le roi Louis XVI est guillotiné à l’issue de son procès mené par les députés de la Convention nationale. Marie-Antoinette est emprisonnée à la Conciergerie puis condamnée par le Tribunal révolutionnaire après un procès expéditif. Elle est guillotinée le 16 octobre 1793. Tous deux sont inhumés au cimetière de la Madeleine, chacun dans une fosse individuelle. Les corps sont déposés dans une bière avant d’être recouverts de chaux.

De petite dimension, le cimetière de la Madeleine arrive à saturation avec l’afflux des corps des guillotinés. Le 24 mars 1794, le cimetière est fermé. La faction des « exagérés » et leur chef, le journaliste Jacques-René Hébert (fondateur du « Père Duchesne ») guillotinés le même jour, sont peut-être les derniers inhumés du cimetière de la Madeleine.

Le cimetière de la Madeleine devient « bien national ». Il est vendu une première fois en 1797 puis à nouveau en 1802 à un voisin, Pierre-Louis Ollivier-Desclozeaux. Il l'ouvre à la visite et affirme avoir identifié un certain nombre de fosses, dont celles du Roi et de la Reine.
 

La construction de la Chapelle expiatoire, un monument mémoriel contre-révolutionnaire

Sous la première Restauration (1814-1815), Desclozeaux vend le cimetière à Louis XVIII. Le 21 janvier 1815, lors du transfert des corps des souverains à la Basilique de Saint-Denis, la première pierre de la Chapelle expiatoire est symboliquement posée.

 

Transfert des corps de Louis XVI et Marie-Antoinette à la Basilique de Saint-Denis
Transfert des corps à Saint-Denis

© Musée Carnavalet - Histoire de Paris

 

Le retour de Napoléon au printemps 1815 (les Cent Jours) interrompt le projet. La défaite de l'Empereur à Waterloo le 18 juin 1815 provoque son exil définitif. Le retour de Louis XVIII sur le trône ouvre la deuxième Restauration (1815-1830). Les travaux de la Chapelle expiatoire sont commencés en 1816 sous la direction de Pierre Fontaine, précédemment Premier Architecte de Napoléon.

Louis XVIII exige « qu’aucune terre saturée de victimes ne soit enlevée de ce lieu pour la construction à faire… ». Les ossements de l'ancien cimetière de la Madeleine sont scellés dans quatre ossuaires dont on perd rapidement la trace.

Un couvent de religieuses s'installe à proximité sous l'impulsion de la duchesse d'Angoulême, fille survivante de Louis XVI et de Marie-Antoinette, pour veiller aux offices expiatoires en attendant la fin des travaux. Inaugurée le 21 janvier 1824, la Chapelle expiatoire est totalement achevée sous le règne de Charles X en 1826. Le monument, de style néo-classique, est empreint d'une forte dimension romantique. Monument à la fois religieux et politique, il condamne le régicide et devient un symbole contre-révolutionnaire.
 

La Chapelle expiatoire, un monument mal-aimé

À l'issue de la Révolution de Juillet 1830 (les Trois Glorieuses), la Chapelle expiatoire apparaît comme menacée. Les fleurs de lys ornant la frise intérieure de la nef sont effacées en 1831. En 1834, le nouveau roi Louis-Philippe choisit pourtant de préserver la Chapelle expiatoire. Les deux groupes sculptés, conservés au dépôt des marbres, sont installés dans la nef : l'Apothéose de Louis XVI par Bosio en 1834 et Marie-Antoinette soutenue par la Religion par Cortot en 1835.

En février 1848, une nouvelle révolution force Louis-Philippe à abdiquer. La République est proclamée. Les premiers travaux de restauration de la Chapelle expiatoire commencent au début des années 1850. Le bâtiment connaît des désordres liés à des infiltrations d'eau au niveau de la toiture de la nef. Le dôme de pierres est alors recouvert de plaques de cuivre.

En octobre 1851 est organisée une messe en la mémoire de la duchesse d’Angoulême décédée en exil. À cette occasion, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte ordonne la restitution du mobilier et des objets liturgiques déposés au Garde-Meuble depuis 1830.

Sous le Second Empire (1852-1870), les grands travaux de transformation de Paris lancés sous la direction du baron Haussmann bouleversent l’environnement de la Chapelle expiatoire.

 

portrait du baron Eugène Haussmann

© Musée Carnavalet - Histoire de Paris

 

En 1862, le percement de nouveaux boulevards enserre le monument dans le nouveau tissu urbain. Le square Louis XVI est aménagé dans les espaces vides entre les nouvelles voies de circulation. La Chapelle expiatoire est alors partiellement cachée par la végétation.

Le Second Empire s’effondre lors de la guerre franco-prussienne. La République est proclamée le 4 septembre 1870. Le fronton de la Chapelle expiatoire s'orne de la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité ».

 

Photo en noir et blanc du vestibule avec la devise liberté, égalité fraternité

© Musée Carnavalet - Histoire de Paris

 

Le 18 mars 1871, le gouvernement provisoire ordonne le retrait des canons de Montmartre et de Belleville ce qui provoque le soulèvement des Parisiens. C'est le début de la Commune.

Le 6 mai 1871, la démolition de la Chapelle expiatoire est arrêtée par le comité de Salut Public de la Commune. Jacques Libman, personnage intrigant et haut en couleur, parvient à sauver le monument. Se faisant passer pour un riche américain, il propose le rachat de la Chapelle expiatoire. Ce subterfuge permet de gagner du temps jusqu'à l'écrasement de la Commune par les Versaillais lors de la « semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871. 
 

La Chapelle expiatoire, menacée mais préservée

La République définitivement ancrée, de nombreuses de voix s'élèvent pour demander la démolition de la Chapelle expiatoire. Entre la fin du XIXe siècle et le début de la Grande Guerre, une vingtaine de projets de démolition est recensée. Les demandes émanent pour l’essentiel du Conseil de Paris, qui n'est pas compétent puisque le monument appartient à l’État. En 1883, Jules Ferry, président du Conseil, décide de ne pas remplacer le dernier chapelain de la Chapelle expiatoire. Le monument est désaffecté au culte.

Le début du XXe siècle marque un tournant pour la Chapelle expiatoire. Le 12 février 1903, la commission du vieux Paris adopte un vœu contre sa démolition. L’affrontement idéologique autour du symbole contre-révolutionnaire tend à s’estomper au profit d’une vision patrimoniale. Il s’agit désormais de conserver un monument de l’histoire de Paris dont la qualité architecturale est mise en avant comme représentative d'une époque : la Restauration. Cette chapelle n’est plus considérée comme un monument « expiatoire » mais comme un lieu de mémoire.

En 1910, un dernier projet de démolition est déposé à la Chambre par le député socialiste Victor Dejeante. Malgré le soutien de personnalités comme Jean Jaurès, ce projet n’aboutit pas.

 

Photo, portrait du député Victor Dejeantes

© Assemblée Nationale

 

En 1914, à la veille de la Grande Guerre, la Chapelle expiatoire est classée monument historique. Dès lors, elle bénéficie d’une protection architecturale qui met un terme aux projets de démolition.
 

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